samedi, juin 14

C’est un fait auquel l’humanité ne peut point déroger. L’intelligence artificielle (IA) transcende notre quotidien en dépit d’un manque réel de conscience et de capacité à appréhender ses outils quant à son usage. Elle est au centre de notre existence dans la mesure où elle se mêle de tout ce qui rythme notre vécu modifiant ainsi notre rapport au travail, au savoir, à la production, aux soins, au transport, à la consommation, à l’information, entre autres. Sans que la plupart de l’humanité s’en rendent compte.

Ce constat susmentionné sonne comme une piqûre de rappel aux plus hauts dirigeants de la communauté internationale pour une meilleure démocratisation de l’IA. Car si elle offre d’immenses opportunités au monde, elle suscite, tout de même, d’énormes risques inhérents à son impact et à son utilisation. Ce qui peut aisément se justifier en fonction du continent où l’on se trouve.

D’ailleurs, un rapport de Price Waterhouse and Coopers (PWC) indique que ses effets positifs font que l’IA peut ajouter 15,7 billions de dollars à l’économie mondiale d’ici 2030 du fait de son autonomisation. Ce rapport ajoute que l’IA peut également « doubler les taux de croissance économique d’ici 2035 grâce à des gains de productivité et à la transformation du mode de fonctionnement des gouvernements et des entreprises. Cela équivaut à un gain de 14 % du PIB mondial. »

Pour capter cette manne financière, les deux superpuissances mondiales multiplient à qui mieux mieux des initiatives innovantes incitant leur gouvernement respectif à investir dans des projets de « recherche et développement ». Une démarche qui participe à la suprématie des Etats-Unis et de la Chine sur l’Inde, La Grande-Bretagne et l’Union européenne (UE) dans le domaine de l’IA. Désormais la guerre technologique et géostratégique que se livrent le pays de l’Oncle Sam et l’empire du Milieu a pour principal théâtre d’opérations le cyberespace.
Si, dans un passé récent, la start-up américaine de la Silicon Valley, OpenAI, faisait la pluie et le beau temps avec sa fameuse invention ChatGPT, le trublion chinois, DeepSeek, sorti naguère des laboratoires de Zhong Guan Cun, vient ainsi de rebattre les cartes de l’IA. D’autant plus que ce dernier modèle d’IA générative n’a été financé qu’à hauteur de 5,6 millions de dollars alors que son sérieux concurrent a, lui, mobilisé 100 millions de dollars avant de voir le jour.
La récente venue de DeepSeek dans le domaine de l’IA, au-delà d’affoler les marchés boursiers Tech en faisant dégringoler les actions de ChatGPT, prouve à suffisance que l’argent, le nerf de la guerre, est loin d’être l’unique atout dans la course effrénée à la création d’outils IA performants. Parce que la solution chinoise est au même niveau que ChatGPT, sinon mieux sur le plan purement technique. Et, cerise sur le gâteau, en plus d’être moins onéreuse, elle reste frugale, ouverte et moins économe en ressources énergétiques ; d’où son immense succès sur les plateformes de téléchargement depuis son lancement.

Au regard de ce qui précède, les communautés IA sénégalaise, regroupées au sein de GalsenAI et de Sen IA HUB, doivent garder espoir vu que DeepSeek reste une réelle chance pour ses membres qui, depuis 2018, sont sur le front pour tester et créer des modèles, former et sensibiliser jeunes et femmes, capaciter et certifier entrepreneurs, geeks et ingénieurs afin de nouer des partenariats devant in fine attirer plus d’investisseurs dans des projets IA.
Également, l’Etat en collaboration avec le privé est appelé à multiplier ses efforts pour garantir un environnement propice à favoriser une connectivité haut débit et à un moindre coût, la mise en place d’un cloud souverain, des centres de données pour les services IA et d’un supercalculateur fonctionnel à tout instant. C’est de cette façon qu’on peut entrer de plain-pied dans l’univers de l’intelligence artificielle. Puisque point d’IA sans une bonne connectivité et des infrastructures critiques de stockage de nos données sensibles.

C’est dire que le Sénégal, classé à la 4ème place des « nations ‘’en éveil’’ et ‘’naissantes’’ en termes d’investissement, d’innovation et de mise en œuvre de l’IA » après Maurice, l’Afrique du Sud et le Rwanda, selon l’indice mondial de l’IA d’Oxford Insight de 2023, a toutes les cartes en main pour jouer les premiers rôles dans cette technologie en Afrique.
Pour ce faire, à l’image de DeepSeek, ses talents, qui ne cessent d’innover, doivent davantage miser sur la source ouverte (open source) permettant de réaliser de réelles économies sur les coûts de licences concernant l’utilisation des logiciels et d’aller plus vite en disposant de beaucoup plus de données.

En outre, il est manifeste que c’est le chemin que doivent prendre les communautés IA pour produire des licornes devant pousser les limites de nos frontières et rivaliser avec des géants en mettant le curseur sur des solutions IA adaptées aux besoins de nos réalités socio-culturelles, avec un narratif sénégalais, voire africain, dont le principal objectif est de prendre en compte les aspirations des populations dans les secteurs de l’agriculture, la santé, l’éducation, du climat, entre autres. Cette démarche est une condition sine qua non pour ne laisser personne en rade surtout dans un contexte où l’oralité prédomine. C’est pourquoi, il faut incontestablement tendre vers une IA éthique et inclusive.

De même, ce travail doit aussi passer par la jonction entre le secteur public, l’université et les entreprises pour une plus grande efficience dans les réponses à apporter.
Dès lors, il urge de réviser la stratégie nationale de l’IA afin qu’elle s’adosse au « New deal technologique » pour impacter des secteurs phares du nouveau référentiel « Agenda national de transformation – Sénégal 2050 ». C’est dans l’optique d’assurer une meilleure vulgarisation de l’IA afin que les populations se l’approprient. Puisque son développement contribue, à n’en pas douter, à l’atteinte d’un « Sénégal souverain, juste et prospère ».

Il va sans dire que DeepSeek reste une opportunité pour les communautés IA du Sénégal et de l’Afrique. Car elle peut désormais emprunter la voie déjà tracée par les acteurs de la Fintech africaine qui, par le biais du concept du ‘’leapfrogging’’, saut de grenouille, tant cher à l’économiste américain Alexander Gerschenkron, sont parvenus à faire du Continent le leader incontestable de la ‘’Mobile Money’’ nonobstant le retard accusé sur le plan technologique.

C’est ainsi qu’avec beaucoup d’audace, d’inventivité, de créativité et d’innovation, ces communautés IA peuvent faire fi du ‘’Blitz Scalling’’ ou du ‘’bigger is better’’ tant prôné par « les faucons de la Silicon Valley » arguant qu’il faut injecter plus d’argent dans l’IA pour décourager ses concurrents minimisant, par la même occasion, la qualité de leur innovation. Mais, c’est peine perdue : tous se sont maintenant alignés sur la ligne de départ. Puisqu’avec DeepSeek les compteurs sont remis à zéro. A vous de jouer !

Ismaïla Camara
Editorialiste, Spécialiste en communication, médias et numérique
ismailacamararfm@gmail.com

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